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AMATERASU
2 juillet 2008

Le vrai et le faux

Je lisais tranquillement Héraclite lorsque je suis tombé sur un os à moelle que j'ai rongé, du moins que je commence à ronger, car rien ne finit vraiment jamais ou jamais vraiment dans ces histoires là...

Voici le problème :

Le "logos" est défini comme étant le discours. Le discours nous le définissons d'après le "Vocabulaire de la philosophie" (de Lalande PUF) par l'expression et le développement de la pensée par une suite de mots ou de propositions qui s'enchaînent.

D'autre part, Héraclite nous affirme que "le propre du logos est d'être une exposition de la vérité" (p32 Fragments PUF) et que "même si tout passe et si rien ne demeure, dès lors que cela est vrai, cette vérité, elle, ne passe pas." (p32), et la vérité serait que "le logos est toujours le tout".

De plus, l'unité des contraires prôné par Héraclite incite à penser que le discours imite la réalité, que l'effacement de toutes les catégories (tendance à classer et à conceptualiser) a ainsi pour but de retrouver la vérité première et par conséquent la réalité.

Mon problème à moi, c'est un point de vue personnel, c'est que cela me gêne de garder une seule catégorie, à savoir celle de l'opposition du vrai et du faux.
Pourquoi toutes les autres seraient fondues et pas celle-là?
Voyons d'un peu plus près ce qu'est le "vrai" (toujours d'après Lalande):
"Sens A : "caractère de l'assertion à laquelle il est légitime de donner un plein et entier assentiment"
Sens B : "qui existe réellement, qui a réellement eu lieu, par opposition à ce qu'on raconte"
Sens C :) : "qui est tel qu'il paraît être"
Sens D : "qui mérite pleinement ou par excellence le nom qu'on lui donne ; qui est tel qu'on le dit être, malgré l'apparence"
Sens E : bon, valable, propre à sa fin
Sens F : en parlant des oeuvres d'art, dans leur rapport à ce qu'elles représentent ou à ce qu'elles expriment, naturel, qui s'accorde avec notre sentiment de ce qu'est la réalité, dans l'ordre physique ou moral : un caractère vrai (dans un roman), une couleur vraie, des sentiments vrais"

Décidément les philosophes ils pensent tout bien ranger dans des tiroirs malheureusement c'est un peu le fouillis quand même parfois dans ces tiroirs.
Ce qu'on constate c'est que le "vrai" est intimement lié à la notion de "réalité", nous allons donc, avant d'aller plus loin dans le raisonnement, définir ce qu'est la réalité (ben oui j'ai été bien appris!) :

Réalité(toujours d'après Lalande) : caractère de ce qui est "réel" à l'un quelconque des sens de ce mot.
Donc définissons "réel" :
"A : par opposition à l'apparent, à l'illusoire, au fictif : ce qui agit effectivement, ce sur quoi l'on peut compter
B : par opposition au relatif, et en particulier au phénoménal, en tant que celui-ci est conçu, soit comme une relation entre des termes substanciels, entre des choses et un esprit, soit aussi comme une apparence que revêtent les choses dans l'esprit"
De là j'enchaîne sur la définition de la "réalité psychique" (in Vocabulaire de la psychanalyse, J.Laplanche et J.-B. Pontalis, PUF) :
"Réalité psychique : quand Freud parle de réalité psychique, ce n'est pas simplement pour désigner le champ de la psychologie conçu comme ayant son ordre de réalité propre et susceptible d'une investigation scientifique, mais ce qui, pour le sujet, prend, dans son psychisme, valeur de réalité."

Tout d'abord, remarquons que n'importe quel terme prend son sens de par son opposition à un autre. C'est ce "contraste" qui donne le sens au mot employé. Sachant que le "logos" est défini comme étant le discours. Le discours nous le définissons d'après le "Vocabulaire de la philosophie" (de Lalande PUF) par l'expression et le développement de la pensée par une suite de mots ou de propositions qui s'enchaînent, nous en déduisons que ce développement de la pensée est une suite de contrastes entre mots puis ensuite entre propositions.

Donc, si je veux garder un sens à mon discours, il faut lui garder au moins une opposition fondamentale, sinon le "logos" perd son sens et sa valeur à nos yeux également. Cette réalité psychique dont parle la psychanalyse, où ce qui, pour le sujet, "prend", dans son psychisme, valeur de réalité, impose donc à Héraclite le besoin de fondations, si minimes soient-elles, elles ne restent pas moins une contradiction par rapport à la cette "loi naturelle" qui veut que tout passe et que rien ne demeure, il y a avec ce reste de catégorisation, une faille, une pierre dépassant du fleuve.

De plus, qu'est-ce qui nous autorise à dire que telle chose est réelle et telle autre ne l'est pas, qu'est-ce qui nous autorise à dire que telle chose est vraie et telle chose est fausse? Rien, si ce n'est ce besoin psychique de donner une valeur de réalité à telle ou telle chose.

Voyons ce que tout cela implique dans le domaine artistique :

"Depuis les Grecs, il allait de soi que l'art avait pour vocation de représenter le réel, conçu comme accessible au regard, à la sensation (aïsthesis), à la perception dont le propre est d'installer le sujet dans la présence, même si la présence sensible peut renvoyer à un au-delà d'elle-même. Cette évidence s'est effondrée avec la modernité, née précisément avec la perte de référence. Le passage de la forme à l'informel, du figuratif à l'abstrait, de l'objectif au non-objectif, témoigne d'une recherche de l'Etre, de la Présence ontologique pure, par-delà l'apparence empirique destituée des titres qui en légitimaient la représentation comme visée centrale de l'art." ( "L'art", France Farago, éditions Armand Colin, collection cursus philosophie).

Si je me mets à nier cette dernière opposition du vrai et du faux, si je me dis que cette référence là n'est plus nécessaire à mon travail de création, est-ce que mon travail perd son sens?

A en croire le passage cité ci-dessus, non, la perte de référence, c'est-à-dire, la perte de ce rapport direct à la réalité (matérielle, non illusoire), n'altère pas le sens de mon travail, en tant que nous donnons encore de cette valeur de réalité, en tant que la réalité psychique est sauve. Cette recherche de la présence ontologique pure est le fondement du travail de création, et de là nous pouvons dire que ce travail n'est ni vrai ni faux, puisque j'ai nié plus haut cette dernière opposition, et nous voyons pourtant que le sens de la création demeure. Cela est d'une grande importance, car c'est la possibilité, pour la poésie par exemple, de dépasser les limites de son propre outil d'expression, à savoir le langage. En effet, si je dis que la création de l'artiste garde son sens malgré l'absence de toute catégorisation, cela signifie que le champ de la poésie par exemple, est infini, parce que ce qui ne se délimite pas (dans une réalité matérielle), n'a pas de limite, donc est infini.

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